8 mai 1945 : victoire contre le nazisme et massacre du peuple algérien
Le 8 mai 1945, le général Keitel signait la reddition totale et sans condition de l'Allemagne nazie.
Le jour même, le matin du 8 mai à Sétif, alors que l'Algérie était encore une colonie française, des Algériens se rassemblaient autour de la mosquée, des gens affluaient de toute part. Ceux des douars se rassemblaient à l'entrée de la ville. La manifestation prévue était pacifique. Sept à huit mille Algériens défilaient, précédés par les scouts de la ville, drapeau algérien en tête et banderoles déployées avec les inscriptions : « Pour la libération des peuples» ; « Vive l'Algérie libre et indépendante ». Malgré l'interdiction de banderoles politiques, le cortège se mit en route. Le sous-préfet donna l'ordre d'enlever les banderoles. La police se mit à tirer, pendant que des européens voulaient empêcher le défilé. Des coups de feu sont échangés. La juste colère des algériens éclate, la gendarmerie intervient. A onze heures, le calme est revenu. La nouvelle du massacre se répand.
A Guelma, peu d'Algériens assistent aux cérémonies officielles. Une manifestation est organisée avec des pancartes : « Vive la démocratie », « A bas l'impérialisme », «Vive l'Algérie indépendante». La police tire sur la foule et disperse les manifestants. Le 9 mai, Guelma est assiégée par des groupes armés des douars voisins venus venger leurs morts. D'autres défilés ont lieu à Batna, Biskra, Khenchela, Blida, Bel-Abbès, Saïda où la mairie fut incendiée. A Bône et à Djidjelli, des milliers de manifestants se joignirent aux manifestations officielles de la victoire contre le nazisme et sortirent leurs banderoles. A Alger, les fidèles ne se joignirent pas à la manifestation officielle de la Grande Mosquée.
En 1830, le débarquement des militaires français ouvrait la voie à la colonisation de l'Algérie qui commença dès 1836 dans la plaine de la Mitidja jusqu'en 1847, malgré la résistance héroïque d'Abd-el-Kader. Les colons rachetaient à vil prix les terres ou confisquaient celles des domaines des propriétaires fonciers algériens et turcs. Ils établirent ainsi d'immenses propriétés foncières. En 1844, Bugeaud organise l'administration. Dès 1848, l'Algérie est divisée en 3 départements. En 1870, le décret Crémieux accorde la citoyenneté française aux 32 000 juifs d'Algérie, puis en 1889 à tous les enfants d'origine européennes nés en Algérie, pour renforcer la colonisation. Les Algériens musulmans, eux, sont régis par le code de l'indigénat (1881) et sont considérés comme des sujets et non des citoyens. Le pouvoir économique est représenté par l'assemblée des délégations financières des colons, des non-colons et des indigènes musulmans qui n'ont que 21 représentants sur 69 membres.
En Algérie, la colonisation a été une colonisation de peuplement. Les Algériens ont été spoliés, exploités par les colons, étaient considérés comme des citoyens de seconde zone, et massacrés alors qu'ils avaient participé à la première guerre mondiale. Les algériens ont remplacé en métropole le million de morts de la guerre dans les usines, sur les chantiers pour relever l'économie française. La révolution d'Octobre a affirmé le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes et a accordé un soutien au mouvement de libération naissant qui a commencé à revendiquer l'égalité pour les musulmans en Algérie. Le refus de l'État français et des colons d'accéder à ces revendications légitimes a renforcé le sentiment national algérien. Durant la seconde guerre mondiale, les Algériens musulmans ont contribué à la libération de la France. Aussi était-il d'autant plus légitime de faire valoir leur droit à disposer d'eux-mêmes, leur droit à l'indépendance.
Les fusillades et massacres du 8 mai 1945 étaient la goutte d'eau qui a fait déborder le vase. La lutte pour l'indépendance nationale avait dès lors franchi une étape supérieure. L'agitation se développa dans les campagnes. Les événements de Sétif et de Guelma furent considérés comme le signal de la guerre de libération nationale, les attaques contre des bâtiments officiels se sont multipliées.
La répression coloniale se déchaîna : à Sétif, à Guelma, la police, la gendarmerie, tirèrent sur la foule. Des européens organisèrent des milices et entreprirent la « chasse à l'arabe ». A Guelma le sous-préfet créa une milice approuvée par les présidents des Anciens Combattants, de la «France combattante et du secrétaire de l'Union locale des Syndicats».
L'armée organisa la « guerre » contre les mechtas qui subirent de jour et de nuit des attaques sanglantes. C'était une nouvelle guerre coloniale que la France et son armée engageait contre le peuple algérien ; la marine et l'aviation furent autorisées à mitrailler les douars par le gouvernement provisoire de la France.
Non seulement massacrés par l'armée française et les civils européens, le peuple algérien, ses masses populaires et son avant-garde nationale, furent condamnés politiquement par les partis de gauche représentés dans le gouvernement provisoire et qui se réclamaient de la résistance contre l'occupant nazi et le gouvernement de Pétain. Pour les socialistes on « avait sali la grande heure de la victoire des démocraties ». Le Parti Communiste dénonça dans l'Humanité la collusion des « pseudo-nationalistes et des éléments hitlériens connus » et « Il faut tout de suite châtier impitoyablement et rapidement les organisateurs de la révolte et les hommes de main qui ont dirigés l'émeute » et encore « Ceux qui réclament l'indépendance de l'Algérie sont des agents conscients ou inconscients d'un autre impérialisme. Nous ne voulons pas changer notre cheval borgne pour un aveugle. » Certes il y eut par la suite condamnation des excès de la répression, la réclamation d'une « justice et rien que la justice », puis plus tard celle de l'amnistie. Mais la condamnation politique restait.
La terreur contre le peuple algérien permit au colonialisme de se maintenir jusqu'en 1962. Mais la volonté de se libérer n'était pas morte et après neuf années de préparation, la lutte de libération nationale allait reprendre en novembre 1954 et aboutir 8 ans plus tard à l'indépendance du peuple algérien.
Il y eu près de 50 000 algériens massacrés, exécutions massives de populations, d'otages, de suspects sans jugement, la torture fut pratiquée à grande échelle et le viol fut utilisé comme arme de guerre. Les exactions de l'Etat français en Algérie constituent un « crime contre l'humanité ».
Aujourd'hui, à Béziers notamment, Robert Ménard, maire affilié au Front National, s'attaque à la mémoire de la lutte de libération nationale menée par le peuple algérien. Il a osé débaptiser la « rue du 19 mars 1962 » (date des accords d'Evian traduits par un cessez-le-feu immédiat) pour la renommer au nom de Hélie Denoix de Saint-Marc, résistant et partisan de « l'Algérie française » ayant participé au putsch des généraux.
Face aux nostalgiques de « l'Algérie française », nous réaffirmons le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes et notre combat contre l'impérialisme !
Nous soutenons également la lutte qui s'organise pour que l'Etat français reconnaisse officiellement le « crime contre l'humanité » qu'il a commis en Algérie et pour qu'une stèle en mémoire aux victimes algérienne soit érigée à Paris.
Hommage aux martyrs de la lutte de libération nationale algérienne !
Pour le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes !
A bas l'impérialisme !
Prolétaires et peuples opprimés de tous les pays, unissons-nous !